Rôle des cellules dendritiques dans les infections dues aux papillomavirus: du gène FLT3LG aux perspectives thérapeutiques

Les récents travaux du laboratoire de Génétique Humaine des maladies infectieuses à l’Institut Imagine (Inserm, AP-HP, université Paris Cité), publiés dans la prestigieuse revue Cell, mettent en évidence un lien entre le gène FLT3LG, les cellules dendritiques et l’infection au papillomavirus chez l’Homme. Ces résultats indiquent un rôle majeur de certaines cellules dendritiques pour combattre les infections par les papillomavirus, qui comprennent notamment l’agent pathogène responsable de près de 10% des cancers chez la femme dans le monde (cancer utérin).

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L'hématopoïèse est le processus de formation des différents types de cellules sanguines à partir de « cellules souches hématopoïétiques (CSH) ». La production de différents types cellulaires à partir des CSH a lieu grâce à des signaux moléculaires spécifiques. Les mutations touchant des gènes impliqués dans ce processus sont à l'origine d'un large éventail de maladies, allant de divers déficits d’un ou de plusieurs types cellulaires (plaquettes, globules rouges, ou globules blancs par exemple), à diverses hémopathies malignes, comme les leucémies. Depuis les années 90, le rôle du gène Flt3lg est plutôt bien défini chez la souris : il intervient dans ce processus d’hématopoïèse, notamment pour la différentiation des CSH en cellules dendritiques.

Les cellules dendritiques sont les sentinelles du système immunitaire qui détectent les agents infectieux et déclenchent la réponse immunitaire. Il existe plusieurs catégories de cellules dendritiques, présentes dans les organes lymphoïdes (thymus, rate) et au niveau de la peau ou des muqueuses, comme les poumons, ou encore l'intestin.

Avant la publication de cet article, les rôles essentiels du gène FLT3LG chez l’humain n’étaient pas clairement définis, car des patients présentant une mutation inactivant ce gène n’avaient jamais été observés. Dans le cadre de son projet de thèse, Mana Momenilandi, sous la direction de Vivien Béziat, « group leader » au sein du laboratoire de Génétique Humaine des maladies infectieuses à l’Institut Imagine, a décrit les symptômes de trois patients trentenaires, issus d’une même famille et présentant la même mutation du gène FTL3LG. Ces trois patients, malades depuis l’enfance, souffrent d'infections cutanées, respiratoires et digestives récurrentes ayant entraîné un important retard de croissance. Leurs infections cutanées particulièrement sévères sont causées par des papillomavirus humain (HPVs) qui sont les agents pathogènes à l’origine des verrues cutanées et génitales, et des cancers du col de l’utérus ou oropharyngés.

Au niveau cellulaire, les patients ont un taux de CSH bien inférieur à la normale et une importante diminution de certaines populations de cellules sanguines. Notamment, ils ne possèdent quasiment aucunes cellules dendritiques. Au niveau de la peau, les cellules immunitaires sont présentes en nombre normal, sauf les cellules dendritiques dermiques, expliquant probablement les infections sévères par les HPVs.

L’observation des ces trois patients confirme le rôle crucial de FTL3LG chez l’Homme pour la différenciation des cellules dendritiques. De manière inattendue, malgré l’absence quasi-totale de cellules dendritiques, la déficience en FTL3LG n’empêche pas d’atteindre l’âge adulte, suggérant l’existence de mécanismes de compensation pour la réponse immunitaire.

L’aspect crucial de ces travaux, d’après Vivien Béziat, est qu’ils « suggèrent un rôle majeur des cellules dendritiques de la peau pour contrôler les HPVs. Malgré l’existence d’un vaccin efficace, l’HPV reste la cause de ~9% des cancers féminins dans le monde. L‘apparition du cancer est la conséquence de la persistance de l’infection chez 10% des femmes infectées par un HPV à haut risque. Au-delà du rôle de FLT3LG, nos travaux indiquent que les cellules dendritiques épithéliales représentent une excellente cible thérapeutique afin de stopper cette marche vers le cancer chez les femmes infectées. »

 

Référence :

FLT3L governs the development of partially overlapping hematopoietic lineages in humans and mice

DOI : https://doi.org/10.1016/j.cell.2024.04.009

Corresponding author : vivien.beziat@inserm.fr